Fils de Pierre Simon Peltier et de Magdelaine Rivière, d'une famille de marchands de l'île de Ré, Jean Peltier encore adolescent perd son père. Il part en Anjou rejoindre un parent Etienne Dudoyer, Procureur fiscal de Gonnord, chez qui il poursuit des études : jusqu'à la licence en droit. Il épouse le 17 décembre 1758, à Gonnord, Gabrielle Marie DU-DOYER. Après la naissance de ses enfants, le couple s'établit à Nantes vers 1763 comme négociant et se fait appeler Peltier Dudoyer.
Peu fortuné, il s'associe avec le constructeur Fremont pour lancer son premier bateau Le Dudoyer, 48 tx qui part pour Santander en décembre 1765. Il obtient en 1768, la commission d'inspecteur de tous les ports et quais le long des rivières navigables sous le ressort de la maîtrise des eaux-et-forêts, depuis les ponts de Nantes jusqu'à Ingrandes. Avec Jean Joseph Carrier de Montieu, propriétaire de la Manufacture d'armes de St-Etienne, ils approvisionnent les arsenaux de Lorient et Rochefort. Jean Peltier achète et arme entre 1771 et 1775, 8 bateaux pour la traite négrière, financés par Montieu. Mais en 1772 Montieu est accusé de profiter de la réforme des armes de Gribeauval pour s'enrichir. Le 7 juin 1773 le Roi constitue un conseil, le 20 août Montieu est enfermé aux Invalides. Le 11 octobre il est condamné à la prison, déclaré "incapable" de fournir les arsenaux. Peltier doit revendre les bateaux. Heureusement les relations de Monthieu et l'iniquité du procès lui permettent d'être rejugé et acquitté en 1778. Monthieu renonce à la manufacture.
Libéré dès le 7 octobre 1775, Montieu comme Beaumarchais s'intéressent à la révolte des Etats d'Amérique et signent des accords pour ravitailler les Insurgents en armes et uniformes, mais aucun des deux n'est armateur. Jean Peltier est ouvert aux idées nouvelles, il est Franc-maçon de la Loge St Germain du Grand-Orient, et a rencontré Franklin en décembre 1776, il va donc être leur interlocuteur à Nantes. Entre 1777 et 1783 Jean Peltier organise ainsi 29 voyages vers le continent américain en bonne intelligence avec Silas Dean et Jonathan Williams, le neveu de Franklin, mais non sans tiraillements avec l'oncle… Il arme L'Aimable Eugénie, propriétaire Beaumarchais, dont il obtient le commandement pour son neveu Nicolas Baudin (q.v.). Il arme Le Lyon, avec des capitaux américains, futur corsaire US Dean, il arme Le Drake (prise du Commodore Paul Jones) affrété pour transporter les officiers du corps de Rochambeau, etc. La guerre se fait aussi à l'Est, aux Indes, l'association Peltier-Carrier met à la disposition du Roi 6 navires, dont la frégate L'Appolon, 1100 tx, 42 canons, qui feront partie du convoi Peynier pour ravitailler Suffren. Ces navires sont envoyés en consignation pour être vendus après leur mission à l'Isle de France par Robert Pitot. Quand le convoi arrive au Cap de B-E., Percheron, le Commissaire français manque de bateaux et Robert Pitot (q.v.) se trouve là par hasard. Pitot vend au meilleur prix les bateaux et poursuit sa route sur Le Mars qui va le mener à sa capture par les Anglais.
A la fin de la guerre d'Indépendance, Jean Peltier reprend le commerce vers St Domingue, et s'associe alors avec son gendre François Michaud. Quant à Robert Pitot, il est libéré, pendant son absence son épouse est décédée, il se remarie avec Marie Louise Hélène (Manon) Lechault, le 29 juillet 1783 et s'installe négociant à Bordeaux.
En 1785 l'armement Peltier-Carrier est choisi par le Consul d'Espagne pour emmener en Louisiane les derniers Acadiens, leurs bateaux Le Bon Papa, dont son fils Marie-Etienne Peltier est le commandant en second et Le St Remy font partie des 7 bateaux de l'expédition, le septième est commandé par Nicolas Baudin. Le voyage est un succès. Cette même année Jean Peltier crée une banque à Paris dirigée par son fils Jean-Gabriel, il est obligé de se porter caution pour réaliser ce projet. Cette banque est chargée de gérer les affaires compliquées d'un Montieu vieillissant dans un période troublée, le fils est prodigue, la banque dépose le bilan, sans entraîner la chute de l'armement Peltier-Carrier-Michaud. Beaumarchais est nommé syndic des créanciers, Peltier et Michaud payeront toutes leurs dettes et seront réhabilités dans "leur bon nom et réputation" le 4 mars 1788. Montieu qui croule sous les dettes et qui a incité Jean Peltier à le cautionner pour le rachat de Château Laffitte, préfère s'exiler en Italie.
Malgré les difficultés, l'armement Peltier-Michaud continue, il se réoriente vers la traite au Mozambique, et le commerce avec l'Isle de France. Dès le 23 avril 1783 Peltier cède des parts d'intérêts à Carrier de Lécluse (q.v.) et Pitot frères dans L'Emilie. Le 11 mars 1784, Peltier et Carrier négocient la vente par Nicolas Baudin au Sieur Pitot du Prince Royal. Le 15 avril 1784 Peltier & Carrier créent "la cambie et grosse aventure de la mer" de La Dorade pour les frères Pitot. Le 2 avril 1784, Jean Louis Carrier, agissant pour le compte de Pitot frères, donne procuration à Peltier & Carrier les autorisant à emprunter pour le compte des Pitot. La faillite des Pitot du 20 novembre 1785 n'empêche pas la poursuite des activités. Le 23 septembre 1786, Peltier & Michaud acquièrent pour le compte du sieur Pitot L'Africain futur Le Noir de l'Isle de France. Le 23 septembre 1786 Peltier & Michaud intéressent Robert Pitot au Breton qui emmène Mme Louis Peltier, ses filles et les 2 filles de Robert Pitot à l'Isle de France. Là se termine leur collaboration car Robert Pitot décède à Madrid le 13 octobre 1786. Jean Peltier organise le voyage de la veuve Pitot et de son fils Augustin sur Le Benezeth, commandé par un des ses anciens capitaines J. N. Guesdon, le navire ne fera naufrage qu'après l'escale de l'Isle de France ! Jean Peltier devenu veuf le 25 mai 1788, achète L'Aimable Manon sur lequel il embarque en juillet 1790, pour arriver au Port Louis le 20 novembre, où il trouve son frère Louis (q.v.) juge à la Cour d’Appel.
Jean Peltier (57 ans) et Manon (36 ans) convolent le 1 février 1791 à St-François, aux Pamplemousses, le contrat de mariage est contresigné par Carrier de Lécluse, Marin Desvaux (q.v.) et Charles Pitot (q.v.), ils avaient pris un intérêt d'un huitième dans L'Aimable Manon.
Jean Peltier a gardé des parts dans la société créée par F. Michaud et possède encore quelques capitaux, mais la période n'est pas favorable aux rentiers (il est qualifié de "capitaliste" au recensement de Port Louis en 1796). Ses affaires le mènent à Calcutta et en France, parti sur L'Illustre Suffren il revient le 29 janvier 1793 au Port Louis sur L'Aimable Suzanne, armé par son gendre. Il repart une nouvelle fois en France seul, sa seconde épouse ne veut pas quitter l'Ile de France car tous les intérêts de son fils mineur Augustin sont investis dans la maison Pitot & Couve. Il arrive en France en décembre 1798 et propose un mémoire le 5 avril 1799 au Ministère des Relations extérieures du Directoire : "Fort des longues années qu'il a passées à l'Ile de France, il connaît parfaitement l'esprit et les dispositions des habitants…", il offre ses services pour être le représentant du Directoire et abolir en douceur l'esclavage. Sa candidature n'est pas retenue, l'instabilité politique empêche toute décision. La politique ne lui réussit pas, il avait déjà été candidat malheureux en 1789 pour représenter le Tiers-Etats de Nantes.
Le 4 janvier 1802, l'armement "François Michaud et Cie" envoie un nouveau bateau vers Tranquebar (Indes), La Félicité, 278 tx, commandé par Marc-Antoine Fauvet. La Félicité fait escale au Port Louis, c'est le dernier armement auquel participe Jean Peltier, après en avoir organisé 70 ! Il meurt pratiquement ruiné le 25 février 1803 à La Petite Hollande (Nantes), la profession indiquée est "Rentier".
Sa seconde épouse meurt le 30 avril 1823 au Port Louis où elle était restée. Inconsolable de la mort de son fils, elle ne laisse aucun descendant. Les 2 fils de Jean lui ont survécu, l'aîné Jean-Gabriel, journaliste contre-révolutionnaire, chargé d'affaire auprès de roi Georges III d'Angleterre, meurt à Paris en 1825, le second Marie-Etienne, capitaine corsaire de la République, arrivé le 23 juin 1805 à l'Isle de France sur La Sophie, décède à Madagascar vers 1810, laissant une fille Fanny épouse de Langlais.
----------------------------------------------------------------------------Tugdual de Langlais
Bibl. :
- Archives civiles : Cape Town Archives Repository, Archives Nationales de l'Ile Maurice, Archives départementales du Maine-&- Loire, de Loire Atlantique et d'Ille-&-Vilaine ; Archives Nationales à Paris (Caran) et d’Outremer à Aix.
- Archives du Service Historique de la Défense à : Brest, Lorient et Rochefort.
- Musée d'Art et d'Industrie, Saint-Etienne, 42.
- "Un journaliste contre-révolutionnaire, Jean Gabriel Peltier", Hélène Maspero-Clerc, Paris, 1793, Sté des études robespierristes.
- "Beaumarchais Correspondances", Brian N. Morton & Donald C. Spinelli, Paris, 1978, Editions A.-G. Nizet.
- "Gribeauval, Lieutenant général des armées", Pierre Nardin, Paris 1982, Fondation pour les études de défense nationale.
Dictionnaire de Biographie Mauricienne, 2010, N° 60, pp. 2284 - 2287.