Monsieur le Vice-Président de la République, Monsieur l'Ambassadeur de France et Messieurs les Chefs des missions diplomatiques, Père Henri Souchon, Mesdames et Messieurs
Nicolas Baudin, célèbre navigateur français et commandeur de l'expédition scientifique envoyé par le premier consul Napoléon Bonaparte pour explorer les Terres Australes, est l'un des trois illustres fils de la France mort à l'île de France il y a deux siècles, sans tombe et pendant les longues années oublié sur le sol mauricien. Tous les trois ont été vraisemblablement enterrés dans ce cimetière mais personne ne connaissait l'endroit de leur sépulture. L'île de France est par la suite devenue Ile Maurice et le peuplement et les préoccupations de l'ancienne Ile de France ont beaucoup évolué. Avec les années, nos trois personnages sont tombés dans l'oubli.
Le premier fut Henry de MacNamara, chef de l'escadre en 1790 et prétendant au gouverneur, qui fut pris par les soldats dans le port, tué et décapité dans la fureur révolutionnaire. Son corps fut retrouvé par les marins soumis au gouverneur et inhumé ici. Sa tombe n'a pas été retrouvée à ce jour.
Le deuxième fut David Charpentier de Cossigny, gouverneur de Pondichéry, de l'île Bourbon et de l'Ile de France pendant la révolution. C'est lui qui essaya en 1790, en vain, de sauver la vie de MacNamara. Certains disent que Charpentier de Cossigny termine sa vie à l'île de France, d'autres mentionnent la métropole. Après quelques années de recherche dans ce cimetière, où nous avons répertorié des milliers d'épitaphes sur les tombes et de filiations entre les défunts, la Société de l'Histoire décida de construire une stèle à la mémoire du Gouverneur Charpentier de Cossigny, dans le cadre d'un projet pour l'Ambassade de France. En creusant le sol pour la stèle, la pierre tombale originale du gouverneur David Charpentier de Cossigny, décédé en 1801, fut découverte. Nous avons alors restauré sa tombe et déplacé le monument 10 mètres plus loin.
Le troisième fut Nicolas Baudin. Quand le capitaine Baudin meurt à Port Louis il y a 200 ans aujourd'hui, il est loin de sa famille, à terre depuis seulement trois semaines, malade et entouré de peu d'amis. Il meurt le seize (septembre) au soir à Port Louis, chez Madame de Kerivel, non loin du centre de Port Louis. Le lendemain matin a huit heures, une petite délégation du Commissaire de la Marine fut envoyé chez Mme de Kérivel pour la réquisition des papiers et les effets du capitaine. Le soir précédant, pendant ses dernières heures, Baudin reçoit les réconforts de Madame Kerivel et aussi de Mary Bickaith la jeune femme qu'il avait ramenée de Port Jackson (Sydney), mais surtout il fut conforté par Louis et Suzanne Peltier (ou Pelletier). Le couple Peltier était des cousins et la marraine de Baudin et aussi celle de Monsieur Peltier -ousins c'est possible que les deux étaient parents. Au moment de sa mort, son frère, Augustin, est aux Indes et l'équipage du Géographe est pleinement occupé avec le ravitaillement ainsi que les soins à apporter aux plantes et aux animaux rapportés aux Terres Australes.
Néanmoins, Baudin est commandant en chef d'une expédition scientifique officielle de l'état français et sa mort nécessite qu'une cérémonie officielle soit organisée. Malheureusement il n'y a pas de traces dans les archives concernant le déroulement de ses funérailles. La raison pour cela se trouve, peut-être, dans le contexte politique assez particulier de cette époque. Quand Baudin arrive le 7 août, Général Magallon de la Morlière est encore gouverneur. Mais une semaine plus tard, le 16 août, le capitaine-Général Decaen arrivait à l'Ile de France accompagné par le Comte de Linois, Commandant de la division des Indes Orientales. Baudin meurt, comme nous savons, la nuit du 16 septembre, soit le jour même de la dernière réunion de l'assemblé coloniale. Cette Assemblée fut créée en 1789 dans le sillage de la révolution et supprimée par Decaen qui refusa de s'y présenter. Magallon proclame Decaen gouverneur-général le 25 septembre 1803, neuf jours après la mort de Baudin. Linois part pour l'Inde deux semaines plus tard, le 8 octobre, et c'est seulement le 4 octobre, et je cite Milius « que les administrateurs de la colonie, l'exécuteur testamentaire de M Baudin accompagnés d'un notaire, se rendirent a bord [le Géographe] pour lever les scellés sur la chambre du commandant. Ces messieurs procédèrent à l'inventaire des objets appartenant au gouvernement ...».
Dans les mouvements politiques très intenses de l'époque, il est possible que la mort de Baudin n'ait pas reçu une grande attention du gouvernement d'alors.